1990. Anaïs Vaugelade a 17 ans, elle s’extirpe de sa campagne (lieu-dit Les Fangalots, dont le nom signifie en patois « la gadoue »). Et, comme il faut vite gagner sa vie, lui vient l’idée d’aller frapper à la porte de l’école des loisirs : Elle présente des dessins, des histoires sans paroles. Refus polis, puis moins : l’éditeur Arthur Hubschmid lui lance : « Écoutez mademoiselle, le dessin, c’est difficile. Trop difficile pour vous. Ne...
1990. Anaïs Vaugelade a 17 ans, elle s’extirpe de sa campagne (lieu-dit Les Fangalots, dont le nom signifie en patois « la gadoue »). Et, comme il faut vite gagner sa vie, lui vient l’idée d’aller frapper à la porte de l’école des loisirs : Elle présente des dessins, des histoires sans paroles. Refus polis, puis moins : l’éditeur Arthur Hubschmid lui lance : « Écoutez mademoiselle, le dessin, c’est difficile. Trop difficile pour vous. Ne dessinez pas. » Ingénue, elle s’obstine (ne pas dessiner, d’accord ; mais raconter des histoires par le dessin, peut-être ?). Refait neuf fois, sans broncher, un premier album, Virgile et le vaisseau spatial. Puis cinq fois seulement l’album suivant, Avale Léonardichon. Claude Ponti lui donne, impromptu, une leçon de mise en couleurs dans son atelier. Elle suit tout à la lettre, jusqu’à la marque des tubes et la taille des pinceaux. Le succès arrive avec le troisième livre, L’Anniversaire de Monsieur Guillaume. Suivent Laurent tout seul, Une Soupe au caillou, Le Déjeuner de la petite ogresse… Une dizaine d’années après son arrivée, Arthur Hubschmid lui propose la responsabilité du comité de lecture. « Ce n’est pas forcément une qualité, dit-elle, mais j’ai l’esprit critique, depuis toujours mon cerveau mouline du commentaire même quand on ne lui demande rien. » Une cinquantaine d’enveloppes arrive chaque semaine. Dedans ? Très rarement des livres. Encore plus rarement des auteurs. Mais quelque chose, toujours. Et parfois quelqu’un. Elle débusquera ainsi Matthieu Sylvander, Perceval Barrier, Adrien Albert, Audrey Poussier… Devient leur éditrice. Puis celle d’autres, au gré des rencontres. Et poursuit, en parallèle, à ses moments-libres-en-voie-de-disparition, sa vie, son œuvre. Vous lirez ici ou là qu’elle dessine des cochons (la série des Quichon), un crocodile (Zuza), des loups (Une Soupe au caillou, L’Anniversaire de Monsieur Guillaume), des squelettes (Le Garçon qui ne connaissait pas la peur, Comment fabriquer son grand frère), il n’en est rien. Elle dépeint des sentiments, des violences, des résistances, des solitudes d’enfant, des histoires de père, de mère, des émancipations et des consentements, qu’elle confie, pour la forme, au petit bestiaire de l’enfance. « D’autres vies intérieures que la mienne », s'amuse-t-elle.
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