Thème « relation avec la mère »
Pauvres Doinel ! Ils s’aiment, mais n’ont pas le temps de se le dire. Ils ont chacun leurs angoisses, leurs soucis mais les gardent pour eux. Marc Doinel, le père aux allures de cow-boy, n’a toujours pas parlé du rachat de sa boîte par des Hollandais décidés à restructurer au lance-flammes.
Nadine, la mère débordée, n’évoque jamais la lassitude qui l’accable devant les « fiches de suivi d’acquisition des compétences » de ses élèves de maternelle.
Charlie, la fille aînée, se demande bien pourquoi elle est amoureuse de Kikichi, un héros de manga bisexuel, plutôt que d’un garçon de sa classe. Et pourquoi se sent-elle si transparente au collège ?
Le petit Esteban, lui, ne se plaint jamais, au point de se laisser maltraiter sans broncher par les grands de l’école.
Pauvres Doinel ! S’ils savaient qu’ils partagent un rêve secret… En feuilletant un magazine, chacun d’entre eux est tombé en arrêt devant la même photo. Celle d’une yourte mongole plantée dans une clairière bretonne.
Marie-Aude Murail, infatigable curieuse, s’est toujours intéressée au monde comme il va. Cette fois, elle s’attaque à l’ordinaire, au quotidien, à ce mode de vie absurde dont nous souffrons tous. Famille, monde du travail, système éducatif ! Tout y passe ! L’état des lieux est aussi implacable que désopilant.
Marie-Aude Murail ne voulait pas introduire d’événements exceptionnels dans ce livre. Inutile ! Cette chronique de la vie ordinaire menée tambour battant est aussi captivante qu’un roman d’aventures.
« Je regardais vivre ma fille avec perplexité. Il me semblait que notre silence devenait trop sombre, compliqué, pénible et dangereux. Alors j'ai proposé un duel. Nous avons choisi nos armes : le papier, le crayon - un affrontement muet, mais plein de bruit. Ce que nous n'arrivions pas à nous dire à voix haute est sorti plus facilement sur la feuille en nous servant de l'humour comme garde-fou. Par une suite de petits événements, de querelles sans grande continuité, sans véritable logique ni raison se déroule le drame du couple mère-fille. Peut-être avons-nous appris par ce jeu d'écriture à vivre notre amour ? » S.M.
« Je me suis toujours réfugiée dans le silence; cachée sous le voile du secret, je peux me replier sur moi-même pour vivre toute seule mes histoires de petite fille qui refuse de grandir, qui voit avec angoisse approcher d'année en année le cap symbolique des dix-huit ans. Mais vient le moment où le voile se déchire, où le mystère se dissipe : le moment d'ouvrir les yeux et de voir. Voir qu'il y a les Autres et que parmi eux, il y en a Une qui me regarde grandir et à qui ma quête de solitude fait mal. Et comme je ne peux utiliser cette parole orale « vivante », qui en dit trop et pas assez pour montrer l'amour que je porte à ma mère, un amour qui vit grâce aux disputes et aux rapprochements, à un duel continuel et continué, j'ai tenté de l'exprimer par l'écrit en laissant agir les mots sur le papier magique. » A.M.
Depuis sa naissance, Nour vit avec Youmna, une femme sourde qu’elle aime comme si elle était sa mère, même si Youmna lui répète qu’elle ne l’est pas. Depuis des années, elles attendent le jour où des hommes viendront pour conduire Nour à sa « vraie » mère qui est loin, dans un pays où les filles peuvent aller à l’école et apprendre un métier. Nour a peur de ce jour, elle voudrait qu’il n’arrive jamais. Mais une nuit, on frappe à la porte.
C’est ma dernière nuit dans ce lit. Le sommeil ne viendra pas. Le vertige est déjà là.
À la suite je dis la liste contre la peur et celle contre la tristesse, la liste contre l’impatience et celle contre les choses qu’on ne veut pas voir venir.
2 423 mots sagement ordonnés comme des petits soldats qui savent marcher droit. 2 423 petits soldats qui ce soir ne servent à rien.
Je me jette dans le lit de Youmna. Nous tombons dans un profond sommeil.
William n'est ni un bon élève, ni un cancre. Le lycée l'ennuie, c'est tout. Il est amoureux de Marie, la forte en thème, toujours un peu trop sage, malheureusement. Il n'est pas spécialement chahuteur. Il n'a jamais posé de véritables problèmes à ses professeurs, il ne s'est jamais fait remarquer.
Jusqu'à ce jour où Mlle Février, la prof de français, voulant le sortir de sa torpeur, lui dit : « Tu rêves encore. À quoi tu rêves ? As-tu seulement un rêve ? » Cette manie de toujours vouloir savoir à quoi rêvent les élèves... William, sans réfléchir, décide de prendre Mlle Février au mot. Ce jour-là, elle porte une jupe plutôt courte. William s'entend répondre : « Je veux arracher ta culotte et te manger » et écope de trois jours d'exclusion, seulement trois jours, parce que Mlle Février n'est pas la plus susceptible des profs.
Trois jours de vacances ou trois jours de galère ? William s'aperçoit, à son propre étonnement, qu'il n'a pas tellement envie de faire la grasse matinée et que l'interdiction de franchir la grille du lycée lui est désagréable. Et comment annoncer la nouvelle à sa mère, qui vient justement d'être mise au chômage technique ? Trois jours, c'est trop court pour partir en Amérique. Et William n'est pas assez riche pour aller découvrir Paris. Il a juste de quoi s'acheter un hamburger à Valenciennes, à condition d'y aller à pied. Trois jours, c'est trop court pour changer de vie, pour devenir un homme. Mais trois jours, c'est juste assez long pour trouver un petit job, pour rencontrer un Américain que la France fait rêver, pour retrouver une complicité perdue avec sa mère et pour regagner sa propre estime. Et même, éventuellement, celle de Mlle Février.



