Thème « autobiographie »
Pendant la guerre de 1939-1945, Tomi Ungerer a parlé allemand à l'école, alsacien avec ses copains et français à la maison, ce qui aurait pu lui valoir une amende de trois marks par « bonjour » et plus tard, la prison. Il s'est appelé Hans Thomas. Il a appris à l'école que Léonard de Vinci était d'origine allemande et se nommait en fait Leonard von Wincke. Il a collectionné les casques des soldats français en pleine débâcle. Il a reçu de splendides figurines sculptées par les prisonniers russes qui venaient s'occuper du jardin. Aujourd'hui, sans aucun souci de bienséance, et toujours avec l'accent, Dieu merci, il raconte.
Ils sont rares, les livres dont la seule dédicace porte, en trois lignes, l’essentiel du propos. L’Enfant, de Jules Vallès, en fait partie.
« À tous ceux qui crevèrent d’ennui au collège ou qu’on fit pleurer dans la famille, qui, pendant leur enfance, furent tyrannisés par leurs maîtres ou rossés par leurs parents, je dédie ce livre », écrit l’auteur en épigraphe du premier tome de sa trilogie autobiographique.
Pourquoi ressortir ce classique des oubliettes ? Parce que les souffrances infligées aux enfants et aux collégiens dans les années 1840 ne sont pas passées de mode, loin s’en faut. Nous espérons que ceux qui crèvent d’ennui au collège et qu’on fait pleurer dans leur famille trouveront dans cette lecture non seulement la consolation, mais des armes pour se défendre.
Pourquoi l’abréger ? Parce que le texte de Vallès est comme un torrent de révolte, répétitif dans son fracas, insistant dans ses éclaboussures. Pour qu’il soit lisible et portatif par les collégiens d’aujourd’hui, pour les indignés de demain.
L'Enfant, paru en 1879 est le premier tome de la trilogie Jacques Vingtras. Les tomes suivants sont Le Bachelier et L'Insurgé.
Lorsque George Sand, de son vrai nom Aurore Dupin, entreprend d'écrire ses mémoires, elle est au sommet de son art et de sa notoriété. Dans Histoire de ma vie, c'est un portrait plus intime, plus familial et plus secret qui se dessine. George Sand y raconte la petite fille de la campagne qu'elle était, déchirée entre la mère et la grand-mère qui se partagent sa tutelle. Puis, ce sont les années de couvent et toutes les « diableries » commises avec les autres pensionnaires. À peine adulte, Aurore Dupin se marie vite et mal. Jeune mère et désireuse de s'émanciper, de devenir « artiste », elle doit se battre pour obtenir le divorce et, plus encore, pour récupérer ses biens et sa maison de Nohant. Femme libre, elle décide que la littérature sera son gagne-pain et elle y parvient ! On connaît la suite : le succès éclatant d'Indiana, les amis écrivains, les amants poètes et musiciens…De quoi en faire toute une histoire, en effet.
« On a beau faire, quelquefois, c’est comme si on avait le monde entier contre soi. Et au collège plus qu’ailleurs. Jugez un peu : Un cahier enfoui pour cacher de mauvaises notes ; le chien du proviseur, Eschyle, qui le déterre pour jouer ; des professeurs qui ont tout sauf le sens de l’humour et de la mesure, et qui tous me désignent comme coupable, aussitôt c’est la menace d’une exclusion définitive. Mais à Odessa, en 1895, être exclu du collège, cela veut dire être mis à l’écart de la société. C’est presque être condamné à mort. Alors, moi qui aime apprendre, moi qui veux apprendre, comment pourrais-je échapper à une telle sentence ? »
Nous sommes en France, sous la Restauration : période historique de faible lueur, après les feux d’artifice de l’Empire. Privée d’héroïsme et de gloire militaire, une génération de garçons qui les avait rêvés se rabat sur la débauche ou sombre dans le chagrin. C’est le fameux « mal du siècle », dont souffre précisément Octave, le héros de cette Confession. Il faut dire que le jeune homme n’est pas très doué pour le bonheur. Mal remis d’une déconvenue sentimentale, il en garde une misogynie quasi maladive ; et ce défaut, amplifié par son idéalisme, le rend presque invivable. Transposée de la liaison tumultueuse que vécut Alfred de Musset avec George Sand, la passion d’Octave de T*** pour la jolie Brigitte Pierson mènera les deux amants au drame et jusqu’au risque de mourir d’amour. « Les plus désespérés sont les chants les plus beaux », proclama Musset dans l’un de ses poèmes. Ce livre nous le confirme, en prose, avec l’éclat du génie.
Le Feu, sous-titré Journal d’une escouade, paraît d’abord en feuilleton, dans L’OEuvre, à l’automne 1916. Le succès est tel qu’il paraît en volume dès la fin du mois de novembre et obtient le prix Goncourt la même année. Aujourd’hui encore, le nom de Barbusse reste attaché à ce récit, à la fois témoignage et hommage « à la mémoire des camarades tombés à côté de moi à Crouy et sur la cote 119 ».
L’expérience des tranchées, vécue volontairement en tant que simple soldat, va transformer Barbusse en porte-parole des poilus, ses frères d’armes, ceux à qui la parole est confisquée – et en porte-voix de la réalité de la guerre à destination des civils, ceux de « l’arrière », à qui la guerre est étrangère, ceux qui continuent à vivre, qui sont heureux « quand même ». Son témoignage va relier « l’arrière » et « l’avant », rendre accessible aux uns la réalité des tranchées tout en libérant la parole des autres.
Un poste à l’Éducation nationale n’a jamais été une sinécure : nous nous en doutions, et c’est ce que nous confirme l’histoire du jeune Daniel Eyssette, contraint par la ruine de son père, aux alentours de 1860, à lâcher ses études pour s’en aller bravement loin des siens gagner son pain comme surveillant dans un collège des Cévennes. Là, sa candeur et son aspect enfantin (il fait bien moins que son âge) le désigneront d’emblée comme cible de choix au mépris de ses collègues et à la méchanceté des élèves. Le roman d’Alphonse Daudet n’est pas seulement celui (semi-autobiographique) du pion chahuté et des affres du déclassé. Il est aussi le récit de l’exil et du déracinement, des vocations avortées et de l’amour déçu, des blessures de l’âme et de la nostalgie sans remède.
Mais, loin d’être un morne tissu de lamentations, il brille par l’acuité de la vision, le sens de la caricature, la vigueur de trait, le bonheur de la formule et une vitesse d’exécution qui nous font à tout moment rempocher nos mouchoirs.
Rien ne prédisposait Linus Torvalds à devenir l’informaticien le plus convoité de la planète.
Tout commence en 1981, à Helsinki, en Finlande. À l’époque, il n’y a pas de console, pas de Mac, pas de PC, pas de Wii et pas d’Internet.
À onze ans, alors que la plupart des garçons jouent au hockey et font du ski avec leurs parents, Linus découvre l’informatique. Son grand-père lui a offert pour son anniversaire le premier ordinateur familial disponible sur le marché.
À vingt et un ans, il développe son propre système d’exploitation (le programme qui donne un visage humain aux ordinateurs) et le publie sur Internet. Gratuit et ouvert, les internautes du monde entier peuvent l’améliorer nuit et jour, bénévolement : Linux est né. La légende dit que le visage rond à lunettes de Linus Torvalds devint alors la cible préférée des jeux de fléchettes chez Microsoft. Le géant de l’informatique venait de découvrir une grande famille de programmateurs complètement passionnés. Prêts à travailler gratuitement dans leur lit, en pyjama, avec leur copine et à partager généreusement leurs découvertes. Tout ça pour améliorer un projet commun. Tout ça pour jouer ensemble. Tout ça grâce à Internet, évidemment !
Dans ce texte, commencé clandestinement en 1974 et repris en 1990 après vingt-six ans d'emprisonnement, Nelson Mandela raconte comment le petit campagnard né en 1918 et élevé dans les vallées fertiles et verdoyantes du Transkei, à 900 kilomètres au sud de Johannesburg, ouvrit le premier cabinet d'avocats noirs en Afrique du Sud et devint l'un des principaux responsables de l'ANC, le fer de lance de la lutte contre l'apartheid. Étape après étape, on comprend comment et à quel prix Nelson Mandela et ses partisans ont réussi à instaurer une démocratie multiraciale en Afrique du Sud.
« Je préfère parler du fond de mon cercueil », écrit Chateaubriand au début des "Mémoires d'outre-tombe"... Mais ce monument qu'il dresse de sa vie, pendant plus de quarante ans, est un véritable roman, que l'Histoire, quoi qu'il en dise, ne parvient jamais à « étrangler » tout à fait. Ce « nageur entre deux rives » est le chroniqueur du passage unique des Lumières au siècle du progrès, de l'Ancien au Nouveau Monde : « Des auteurs français de ma date, je suis quasi le seul qui ressemble à ses ouvrages : voyageur, soldat, publiciste, ministre, c'est dans les bois que j'ai chanté les bois, sur les vaisseaux que j'ai peint l'Océan, dans les camps que j'ai parlé des armes, dans l'exil que j'ai appris l'exil, dans les cours, dans les affaires, dans les assemblées que j'ai étudié les princes, la politique et les lois. » Un écrivain sentencieux et emphatique ? Plutôt un chevalier, un vrai, fidèle champion des causes perdues, conquérant de libertés inédites devenues les idéaux de notre modernité, un aventurier fendant océans et tempêtes, éternel errant échappé du monde des rêves, trempant sa plume à l'encre d'une mélancolie teintée d'humour.
Ilse Koehn, l'auteur de ce livre, a six ans en 1935. C'est le 15 septembre 1935 que Hitler fit promulguer les lois racistes qui mettaient les juifs au ban de la nation allemande. Le père d'Ilse est fils de mère juive et de père allemand. D'après les nouvelles lois, il est classé « Mischling*, premier degré ». Ilse, sa fille, devient « Mischling, deuxième degré ». Afin de protéger l'avenir d'Ilse, ses parents divorcent. Ilse reste un premier temps avec son père et sa grand-mère juive.
Mais la pression des nazis contre les juifs devient de plus en plus lourde et Ilse rejoint sa mère et ses grands-parents maternels. Bientôt l'Allemagne entre en guerre. La propagande nazie s'introduit dans les écoles. La jeunesse hitlérienne enrôle... Puis, les premières bombes tombent sur Berlin. Les enfants sont évacués à la campagne. De 1930 à 1945, d'année en année, la vie devient plus difficile. La guerre - peu ressentie au début par les enfants allemands - impose sa priorité de plus en plus. Ilse Koehn raconte simplement ce qu'elle a vécu jusqu'à la débâcle finale où, dans un Berlin en ruine et en flammes, les enfants se quittaient le soir en se disant: « Reste en vie. »
*Sang mêlés
Quand elle naît, à Cracovie, en 1935, Anita est ce qu'on appelle une enfant gâtée, destinée à mener la vie conventionnelle et rangée des jeunes filles juives de la classe moyenne. La guerre arrive et fait tout exploser : le confort, la tranquillité, mais aussi les préjugés et les carcans sociaux. Niania, la nurse grenouille de bénitier antisémite ? C'est elle qui, à force de ténacité, de culot et d'amour, sauve Anita et son frère des nazis en les faisant passer pour ses propres enfants catholiques et baptisés. Des villages du fin fond de la Pologne à New York, le port de tous les nouveaux départs, en passant par Auschwitz et la Suède, où elle part se refaire une santé, découvre sa vocation d'artiste et finit par retrouver sa famille au grand complet, Anita Lobel trace avec ce récit autobiographique très détaillé un tableau sans complaisance du monde bouleversé des années quarante.
Voici le journal de bord de la conscription dans l'armée israélienne... d'une fille ! Car là-bas, même les filles doivent faire leur service. Nous sommes en 1988-1990, à l'époque de la première Intifada, et Valérie découvre un monde inconnu, son ambiance particulière, ses codes, ses secrets, ses camaraderies, sa drôle de façon de faire mûrir les bachelières férues de grands auteurs humanistes. Les soldats en Israël, « personne ne les regarde en particulier parce qu'il y en a trop, parce que c'est normal et que tout le monde est habitué, tout le monde a été, est ou sera un jour à l'armée. » Ce livre sort de l'ordinaire.
Voyage à Pitchipoï raconte la tragédie d'une famille juive, en France, pendant la guerre, une tragédie qui fut celle de millions d'autres familles. En 1942, l'auteur de ce livre avait six ans. Sa famille fut arrêtée, par des gendarmes allemands et français, et dispersée.
Le narrateur et sa petite soeur furent d'abord confiés à des voisins jusqu'à ce que le maire du village fasse appliquer la décision du capitaine S-S, Commandeur de la région et responsable des mesures de répression antisémite : « L'accueil d'enfants juifs dans des familles françaises est indésirable et ne sera autorisé en aucun cas. »
Les deux enfants furent alors enfermés dans une prison, puis transférés au camp de Drancy, où la petite fille tomba malade, par malnutrition. Pendant toute cette période, ils restèrent sans nouvelles de leur mère, qui avait miraculeusement réussi à s'échapper et n'avait pas été reprise, malgré les portes qui s'étaient souvent fermées lorsqu'elle avait demandé de l'aide. Après des mois de vie clandestine, à la Libération, ils retrouvèrent leur maison. Ils ne devaient jamais revoir leur père.
En 2008, la ville de Québec va fêter ses quatre cents ans et la première pierre posée par le Français Samuel de Champlain, de ce qu’il nommait l’« habitation ».
Champlain débarque à Tadoussac en 1603, pour le premier d’une vingtaine de voyages entre la France et… la Nouvelle-France. C’est Jacques Cartier qui, soixante-dix ans plus tôt, a découvert cette terre. À l’époque de Cartier, les tribus indiennes semblaient vivre en paix.
Depuis, le commerce des fourrures s’est développé, les Indiens ont compris le parti qu’ils pouvaient en tirer : ils instaurent des droits de passage sur leurs territoires et se livrent entre eux à des guerres sanglantes. Si Champlain veut établir une colonie à Québec et explorer le pays des Grands Lacs, il doit soutenir les Algonquins, les Montagnais et les Hurons contre les Iroquois. Ce sont ces guerres indiennes, mais aussi le peuplement des colonies, les complots, les tentatives d’assassinat, les mœurs des tribus autochtones, les tortures raffinées qu’elles infligent à leurs ennemis, la faune et la flore des régions explorées, la rigueur des hivers interminables, que cet aventurier relate avec passion dans le récit de ce qu’il appelle ses « découvertures ».