Thème « exil »
Deux enfants aux destins si différents, deux mondes que tout oppose et qui vont pourtant se rejoindre. Dans cet album puissant, Barroux s'engage pour la défense du droit d'asile, la tolérance et ce qui fait notre humanité.
Jonas, le gardien de phare, et son amie Bleue la baleine sauvent des flots une mouette désorientée et épuisée. Pour fuir son pays en guerre, l'oiseau a entamé un périlleux voyage qui l'a mené à travers l'océan…
Il fait très chaud à New York en cet été 1947. Noah a seize ans, il arrive de Pologne, il est le seul survivant des quatre mille Juifs de la ville de Kralov, près de Cracovie, il vit chez sa tante, à Brooklyn, il cherche un professeur d'anglais. C'est Davita Dinn qui lui répond. Elle est à peine plus âgée que lui. Ils se mettent d'accord pour deux cours à cinq dollars par semaine. Il boite un peu, il transpire en écrivant, il tremble, il a du mal à prononcer les mots anglais, il dit d'un air triste : «Tellement à apprendre.» Il a l'air perdu et découragé. Pourtant, Noah a fait quelque chose d'extraordinaire dans sa vie. Il n'est pas encore prêt à en parler, même s'il en éprouve le besoin. Il peut seulement dessiner pour Rachel, cinq ans, la petite soeur de Davita. Sa maison d'abord. Puis les alentours, un pont, une rivière, une synagogue, une église. Tout le monde est admiratif de son coup de crayon. Alors Noah prend confiance en lui. Ses souvenirs sont encore plus beaux, encore plus précis, encore plus riches que ses dessins. Bientôt, il sera capable de les raconter de sa voix douce.
Je m'appelle Michel Igaliev. Je suis un bien vieux grand-père. Ma vie est déjà longue, très longue. Rassurez-vous, je ne vais pas vous la raconter. Juste une petite histoire, bien curieuse: Je suis né dans une drôle de maison, une sorte de bateau que la crue du fleuve soulevait et faisait flotter, deux fois chaque année. Avec mes trois frères et mes quatre soeurs, nous avions toute la plaine pour jouer, les marais, les hautes herbes. Mais un jour, cette vie-là s'est arrêtée tout net. Les parents nous ont dit: « C'est la guerre. Partons. Le fleuve nous conduira à la mer. » Une fois arrivés au bord de la mer, dans le port de Riga, mon père a vendu le bateau-maison. Avec l'argent, mon père a payé notre passage sur un schooner qui repartait à vide après avoir livré sa cargaison de pommes de terre. Son idée, c'était de fuir le plus loin possible.
Le 24 février, c’était le jour du mariage de ma soeur. Un jour à faire la fête… sauf qu’au même moment, Vlad-le-Mauvais, donnait à son armée l’ordre de nous envahir. La guerre venait de commencer. Quelques heures plus tard, les bombes des “Orques” s’abattaient sur la ville. Alors avec les parents on a tout abandonné et on est partis sur les routes. La vieille Babusja qui perd la tête nous accompagnait, sans oublier Zaku, mon chat et l’énorme contrebasse de maman. On était des milliers à fuir la guerre. Mais pour aller où ?…