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UN BALLON DROLEMENT GONFLE « Crin Blanc », « Le ballon rouge », ces deux titres sont dans tous les cœurs. Et si les films qu'ils désignent sont aujourd'hui difficiles à voir au cinéma, d'autant plus qu'ils sont des courts métrages, deux albums illustrés -une fois n'est pas coutume- de photographies de tournage existent pour entretenir leur mémoire et celle de leur auteur, Albert Lamorisse. Il y a deux choses à éviter si on veut réussir son film, ont coutume de dire les beaux esprits du cinéma : la première c'est de tourner avec des enfants, la deuxième c'est de tourner avec des animaux. A lui tout seul, en deux ou trois films lumineux, Albert Lamorisse aura fait mentir tous les professionnels. Passionné de photo et de cinéma, c'est en Tunisie qu'Albert Lamorisse réalise son premier film pour enfants, sur un scénario de Jacques Prévert : « Bim le petit âne » (1949), l'histoire d'un ânon et de son ami Abdallah séparés par un méchant petit caïd jaloux de leur entente. Le film suivant, « Crin blanc » (1951), est encore une histoire d'amitié entre un petit garçon et un animal, un cheval sauvage cette fois, dans la Camargue des plaines et des marais. Lamorisse a trouvé son thème de prédilection : l'univers de l'enfance, sa pureté et sa liberté constamment menacées par la bêtise et la vulgarité, mais triomphant grâce au courage. C'est le sujet du « Ballon rouge », un nouveau moyen métrage qui obtient le Prix Louis Delluc et le Grand Prix du Festival de Cannes en 1956 après l'avalanche de récompenses déjà obtenues par « Crin-blanc » trois ans plus tôt. Le propre fils du réalisateur, Pascal Lamorisse, joue le rôle du héros, un petit garçon en mal d'amitié (sa maman trouve que les bêtes, ça salit trop) qui s'attache à un ballon rouge trouvé dans la rue. Espiègle et affectueux, le ballon le suit partout, mais n'en fait qu'à sa tête, comme un petit chien, comme un ami : « Ce n'est pas la peine d'être apprivoisé si l'on est désobéissant », pense Pascal. Mais des voyous en veulent au ballon magique... Des trucages discrets transforment cette histoire toute simple en un conte merveilleux , sans fée ni ogre ni sorcière, dont le personnage principal est, pour la première fois, un objet. Prévert n'est plus là, mais Lamorisse partage son souci poétique, sa malice tendre, son humour, son dégoût de la violence et du pouvoir. Plus tard, Albert Lamorisse mettra au point son "hélivision", système de prises de vue par hélicoptère, et c'est en plein tournage du film « Le vent des amoureux » qu'il trouve la mort en 1970, en Iran, dans un accident d'hélicoptère. Il avait quarante-huit ans. Sophie Chérer. Extrait de l’Album des Albums, l'école des loisirs, 1997