Sophie Chérer écrivait en 1997 dans "L’Album des Albums" de l’école des loisirs : L’ECOLE DES LOISIRS AVANT LA LETTRE. Si Olga Lecaye n'existait pas, non seulement il faudrait l'inventer, mais il faudrait inventer en plus Nadja, Grégoire Solotareff, et Alexis Lecaye (l'auteur de romans policiers), pour la bonne raison qu'Olga est leur mère à tous. D'origine russe, fille d'un architecte des régions dévastées, elle passe son enfance à Soissons dans une maison merveilleuse habitée jadis par la Comtesse de Ségur. Sa mère, sa tante, sa grand-mère lui racontent des histoires. De cette enfance de rêve, puis d'une jeunesse de tourments et d'exils (elle doit quitter la France pour soigner son premier mari qui mourra des suites de la guerre, puis l'Egypte de Nasser où elle a épousé un pédiatre, puis le Liban pour retrouver la France), Olga Lecaye garde un profond goût du bonheur, le sentiment de la fugacité des choses, la certitude qu'il n'y a pas une minute à perdre pour faire ce que l'on aime. C'est pourquoi elle décide de ne pas envoyer ses quatre petits à l'école. Elle a acquis pendant la guerre des habitudes de « pédagogue » en donnant des leçons particulières à toutes sortes d'enfants. Les devoirs expédiés par correspondance, les siens auront toute la journée pour dessiner, peindre, rêver, écouter des histoires et admirer les livres que leur mère confectionne pour eux. C'est l'un d'entre eux, « La famille Ours et Madame la Taupe », qui marque l'entrée d'Olga Lecaye à l'Ecole des Loisirs. Au Liban, elle avait déjà illustré des contes littéraires choisis par son mari, et même fabriqué des albums de bandes dessinées, inconnus alors en langue arabe ! «J'ai toujours peint, toujours illustré, du plus loin que je me souvienne, dit-elle. Mon père était aussi un excellent aquarelliste. Je n'ai jamais exposé, mais dessiner à la maison me semblait tout naturel.» Ses peintures chaudes, intérieurs sombres, nature en fête, monstres énormes et petits animaux aux grands yeux tendres, illustrent souvent des histoires de peur et de menaces, des voyages hérissés d'embûches, des pièges dont les héros se sortent par la ruse et l'ingéniosité (« Trolik », « Malvina », « Didi bonbon » ) ou par le courage toujours récompensé (« Docteur Loup »). Difficile de ne pas y deviner, même si tous les enfants adorent qu'on leur fasse peur, le poids particulier d'une vie de traque et de résistance, dont Olga Lecaye se repose à présent en soignant son jardin sauvage et en plantant des chênes, pour préparer un avenir solide et beau. Sophie Chérer. Extrait de L’Album des Albums, l’école des loisirs, 1997.