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DERRIERE LES APPARENCES ET LES PORTES On a du mal à croire, en regardant « Aller retour » et « Le Safari » ou « L'Edredon », que c'est la même personne qui en est l'auteur. Rien de plus opposé a priori que les grands paysages noir et blanc, nets, rectilignes, découpés comme des ombres chinoises d' « Aller retour », la rue tranquille aux gouaches tendres de « Safari », et cet immense couvre-lit en patchwork bigarré qui occupe toute la couverture et les pages de « L'Edredon ». Mais si on laisse de côté le style de dessin pour s'intéresser au propos des albums, alors la parenté saute aux yeux, ou plutôt s'infiltre en nous à la manière d'une illusion d'optique. Dans les trois cas, il s'agit de renversement des apparences, justement, d'apparitions nouvelles, de transformations de la réalité par un regard chargé d'imagination, de crainte et de poésie. Ce qui était le ciel changeant devient, pour peu qu'on retourne le livre, un sol bien ferme, le jour devient la nuit, le vide une cheminée qui fume, et vice versa. Les formes géométriques, les fleurs, les animaux du patchwork prennent du relief et s'animent pour donner naissance, à la faveur de la nuit, à un spectacle de cirque, à un voyage à travers forêts et tunnels. Quant à la rue tranquille d'un quartier résidentiel, elle se peuple, par la grâce d'un regard d'écolière qui l'arpente désormais sans sa maman, de bêtes plus féroces les unes que les autres. Tous les enfants ont vu un jour ou l'autre des animaux dans les nuages, des étoiles dans les flaques d'eau, des bandes dessinées dans la pénombre de leur papier peint. Il revient à Ann Jonas de consacrer cette forme d'imagination. Sophie Chérer. Extrait de l’Album des Albums, l'école des loisirs, 1997